La banque qui n’informe pas son client avant de rejeter un chèque est responsable
La banque qui refuse de payer un chèque sans avoir averti le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision doit lui verser des dommages-intérêts réparant la perte de chance d’échapper aux conséquences résultant du rejet du chèque.
Avant de refuser le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante, le banquier tiré doit avertir le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision (C. mon. fin. art. L 131-73, al. 1).
Une société conclut une convention d’ouverture de compte courant avec une banque et émet plusieurs chèques sans provision. Ces chèques ayant été rejetés, elle demande des dommages-intérêts à la banque pour défaut d’information préalable.
Une cour d’appel retient que la banque a engagé sa responsabilité en adressant des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés auprès de sa cliente, laquelle était fondée à obtenir réparation du préjudice né du rejet indu des chèques ; en conséquence, elle condamne la banque à payer à sa cliente une somme correspondant au solde débiteur du compte.
Arrêt censuré par la Haute Juridiction : le préjudice résultant du défaut de délivrance de cette information, qui ne se confond pas avec le rejet fautif du chèque, consiste en la perte de la chance, pour le titulaire du compte, d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque.
A noter : c’est la première fois que la Cour de cassation énonce cette solution (déjà en ce sens, CA Lyon 2-11-2006 n° 05-4713 : BICC 2007/655 n° 347).
L’information préalable avant rejet du chèque imposée à la banque permet de mettre l’émetteur en mesure d’approvisionner son compte pour couvrir le chèque émis (Cass. com. 17-2-2015 n° 13-28.495 : RJDA 5/15 n° 376). Son absence cause donc à l’émetteur un préjudice qui consiste en la perte d’une chance. Chance de régulariser sa situation en approvisionnant suffisamment le compte pour couvrir le chèque et échapper aux frais liés au rejet du chèque. Il importe peu de savoir si l’émetteur du chèque est réellement en mesure de créditer son compte du montant du chèque.
Pour rappel : l’avertissement doit être précis et porter clairement sur le ou les chèques en cause (Cass. com. 31-5-2005 n° 03-15.659 : RJDA 10/05 n° 1145 ; Cass. com. 30-9-2008 n° 07-16.863 : RJDA 12/08 n° 1303 ; Cass. com. 18-1-2011 n° 10-10.259 : RJDA 5/11 n° 458).
Tel n’était pas le cas en l’espèce, la banque ayant informé la société quelques jours avant de rejeter une série de chèques que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement d’un chèque ».
Le banquier tiré est tenu d’avertir son client quelle que soit la connaissance éventuelle que celui-ci peut avoir de l’insuffisance de la provision (Cass. com. 14-3-2006 n° 04-16.946 : RJDA 4/07 n° 391).
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus : voir Mémento Droit commercial n° 52640
Cass. com. 14-6-2016 n°14-19.742
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