Négocier son bail commercial
La conclusion du bail commercial peut présenter des difficultés pour le locataire qui ne différencie pas forcément les éléments négociables des clauses imposées par la loi. Certaines règles applicables au bail commercial sont en effet d’ordre public, ce qui signifie que les parties au contrat ne peuvent pas y déroger, même d’un commun accord. Les clauses contraires sont « réputées non écrites », ce qui signifie qu’elles sont contestables sans limite dans le temps.
Le présent tableau donne un aperçu des principales clauses figurant dans les baux commerciaux. Il précise si la négociation est possible au moment de la signature du premier bail, et indique les éléments sur lesquels elle peut porter pour prévenir tout différend.
Durée du contrat
Objet du contrat
Fixation du loyer et des charges
Obligations des parties au contrat
Destination des lieux (activité autorisée)
Renouvellement
Fin du contrat
Cession du bail
Sous-location
Mise en vente des locaux loués
Durée du contrat
Contenu du contrat | Commentaire |
Durée du bail | La durée du bail ne peut être inférieure à 9 ans.
Éviter les baux supérieurs à 9 ans : droit au déplafonnement du loyer pour le bailleur. A noter : les baux dits « de courte durée », qui sont signés pour 3 ans maximum doivent être réservés aux activités courtes ou de test ; les règles expliquées ici ne leur sont pas toutes applicables. Se reporter à la page « baux de courte durée » ou bien « locations saisonnières ». |
Objet du contrat
Contenu du contrat | Commentaire |
Description des locaux | La loi Pinel impose l’établissement d’un état des lieux d’entrée et de sortie, contradictoire et amiable, ou bien par huissier. Cet état des lieux doit décrire les surfaces, les dépendances, les locaux accessoires, les modalités d’accès, les conditions d’utilisation des parties communes, etc. Bien étudier l’état prévisionnel des travaux fourni à la signature du bail par le bailleur. Veiller à ce qu’il n’y ait pas de grosses réparations à faire si les locaux sont dits « pris en l’état » : dans ce cas, en principe, le locataire ne peut pas imposer au bailleur d’effectuer les grosses réparations à sa charge. |
Destination des lieux | Négociable
Préciser toutes les activités autorisées et les activités interdites, pour éviter tout litige ultérieur. Essayer de négocier une clause « tous commerces » afin d’éviter une procédure de déspécialisation en cas de changement ultérieur d’activité. Attention, la négociation de cette clause entraîne en pratique un loyer plus élevé, mais facilite la cession du bail commercial le moment venu.Essayer de négocier une clause « tous commerces » afin d’éviter une procédure de déspécialisation en cas de changement ultérieur d’activité. Attention, la négociation de cette clause entraîne en pratique un loyer plus élevé, mais facilite la cession du bail commercial le moment venu. |
Fixation du loyer et des charges
Contenu du contrat | Commentaire |
Fixation du loyer initial | Négociable
Le locataire doit se renseigner sur les prix du marché afin d’éviter de payer un loyer surévalué. Il faut éviter la clause recettes qui a pour conséquence de déterminer le loyer en fonction du chiffre d’affaires réalisé par le locataire souvent assortie d’un loyer plancher. |
Pas-de-porte (somme demandée
par le propriétaire pour compenser le droit au renouvellement du bail) |
Négociable
Indiquer la nature du pas-de-porte : s’il s’agit d’un supplément de loyer et non d’une indemnité forfaitaire compensatrice, son montant sera déductible fiscalement mais il sera intégré dans le calcul du loyer du bail renouvelé. |
Dépôt de garantie | Négociable
Préciser son montant, la date de son encaissement… A noter : il n’y a pas de montant maximum autorisé, mais si le montant dépasse deux termes de loyers (soit 2 mois, soit 2 trimestres), l’excédent porte intérêt au profit du locataire. |
Echéance du loyer | Négociable
Préciser la date de paiement du loyer. |
Répartition des charges | Pour les baux signés ou renouvelés après le 5 novembre 2014 : La répartition des charges n’est plus négociable pour les contrats à venir, depuis l’application de la loi Pinel. Dorénavant, existe une répartition légale des charges/taxes/redevances entre le locataire (travaux d’entretien, charges d’entretien/ascenceur, ménage, taxe foncière et d’enlèvement des ordures ménagères, etc.) et le propriétaire (grosses réparations touchant au bâti, travaux de mises aux normes, honoraires de gestion de l’immeuble, assurance de l’immeuble, impôt/CET, etc.) à laquelle les parties ne peuvent pas déroger (règle d’ordre public). A noter : un inventaire précis listant les charges est obligatoirement annexé au contrat.Pour les baux signés ou renouvelés avant le 5 novembre 2014 : La répartition des charges est libre. Le contrat de bail fait loi entre les parties. Il précise leur nature, leur montant (réel ou forfaitaire) et leur répartition entre locataire et bailleur. Le montant réel évite les régularisations litigieuses. Dans le cas où le locataire règle des charges revenant normalement au bailleur(exemple : impôt foncier), en principe le preneur doit bénéficier en contrepartie d’un loyer plus bas. |
Révision du loyer en cours de bail | Principe : la révision peut être demandée tous les 3 ans, en fonction de l’indice national du coût de la construction publiée par l’Insee (indice exclu à compter du 19/06/2014 pour les baux signés après cette date), de l’indice des loyers commerciaux (ILC) ou de l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT), sauf clause d’échelle mobile. Le délai de 3 ans ne peut être réduit par les parties. La loi Pinel prévoit que le preneur et le bailleur ne peuvent plus choisir la date d’entrée en vigueur de la révision du loyer ; celle-ci prend effet à compter du jour de la demande de révision du loyer. Aucune clause ne peut interdire la révision triennale, mais il est pourtant admis de prévoir un loyer fixé forfaitairement et de manière irrévocable pendant toute la durée du bail (donc sans révision). |
Clause d’échelle mobile | Négociable
Négocier une telle clause a pour conséquence de modifier le montant du loyer sans attendre 3 ans. Le montant du loyer change alors lorsque l’indice de référence déterminé par les parties varie. Cet indice doit être en rapport avec les activités de l’une des parties. Prévoir dans le contrat que la variation n’est prise en compte que sur notification de l’une des parties à l’autre. Si les différentes variations de l’indice augmentent ou diminuent le loyer initial de plus de 25%, les parties peuvent demander la révision du loyer initial par référence à la valeur locative. |
Plafonnement du loyer | La majoration ne doit pas excéder la variation de l’indice trimestriel du coût de la construction, de l’ILC ou de l’ILAT intervenue depuis la dernière fixation de loyer. NégociableA noter : le montant du loyer renouvelé doit correspondre à la valeur locative (article L145-33 du code de commerce). La Cour de Cassation a reconnu, dans un arrêt du 5 novembre 2014, le droit au locataire qui accepte le renouvellement de son bail commercial, d’obtenir la fixation de son loyer à un niveau inférieur au loyer indexé, dans le cas où celui-ci ne correspond plus à la valeur locative. Cela signifie qu’une baisse du loyer est négociable. |
Déplafonnement du loyer | Négociable
Le loyer peut être déplafonné : – lorsqu’il est conclu dès l’origine pour une durée supérieure à 9 ans, En vertu de la loi Pinel, l’augmentation du loyer déplafonné est lissée et ne peut pas dépasser 10 % du loyer payé l’année précédente. |
Obligations des parties au contrat
Contenu du contrat | Commentaire |
Clause de non-concurrence | Négociable
Elle interdit au bailleur d’exercer lui-même, directement ou non, une activité concurrente de celle de son locataire. |
Clause d’exclusivité | Négociable
Elle interdit au bailleur de louer dans le même immeuble un autre local pour l’exercice d’activités similaires. |
Répartition des travaux | Pour les baux signés ou renouvelés après le 1er septembre 2014 :
La loi Pinel fixe cette répartition des travaux : le bailleur doit assumer la charge des grosses réparations touchant au bâti et des travaux de mise aux normes relevant des grosses réparations ou liés à la vétusté des locaux. Son locataire prend en charge les travaux d’entretien courant du local. Pour les baux signés ou renouvelés avant le 1er septembre 2014 : |
Travaux par le locataire | Négociable
Si le locataire prévoit de réaliser un certain nombre de travaux à ses frais, il est préférable de prévoir une clause en précisant les modalités : information ou autorisation du bailleur, restitution dans l’état d’origine, etc. |
Garanties des vices cachés | Négociable
Cette clause permet au locataire d’être garanti contre les vices cachés pouvant affecter le local qu’ils en empêchent soit l’usage, soit la jouissance paisible. |
Destination des lieux (activité autorisée)
Contenu du contrat | Commentaire |
Déspécialisation restreinte | Négociable
La déspécialisation restreinte aux activités complémentaires ou connexes (celles qui ne nécessitent pas de nouvelles installations et qui ont un lien avec l’activité exercée) est un droit pour le locataire sous réserve de l’accord du bailleur. Il est possible de négocier une clause prévoyant une déspécialisation restreinte pour d’autres activités particulières. |
Déspécialisation plénière | Négociable
Il s’agit de la modification d’activité justifiée par, à la fois, la conjoncture économique et des nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution. Si le bailleur refuse la transformation totale sans motif grave et légitime (ex. reprise des lieux pour exécuter des travaux prescrits dans le cadre de la rénovation urbaine), le juge peut l’y contraindre. Si le contrat le prévoit, le changement d’activité peut entraîner le paiement au bailleur d’une indemnité s’il justifie d’un préjudice. Elle entraîne une augmentation de loyer immédiate. |
Renouvellement
Contenu du contrat | Commentaire |
Forme du congé | Le congé doit être donné au moins 6 mois avant l’échéance du contrat par huissier et en respectant l’inscription d’une mention spéciale. Cette forme n’est plus la seule possible. La loi Pinel autorise le congé par lettre recommandée avec accusé-réception. La date du congé est alors celle de la première présentation de cette lettre. Le congé peut également être donné à tout moment après la date d’expiration du bail dans les mêmes formes. |
Droit au renouvellement | Renouvellement de droit pour le propriétaire du fonds effectivement exploité dans les lieux pendant les 3 ans précédant la demande. Les parties ne peuvent pas y déroger.
Les clauses limitant le renouvellement à certaines parties des locaux sont interdites. |
Refus de renouvellement (Indemnité d’éviction) |
Le refus du bailleur est possible en contrepartie du paiement au locataire d’une indemnité d’éviction (qui peut être égale à la valeur marchande du fonds de commerce avec les frais de déménagement).
La clause prévoyant une indemnité d’éviction forfaitaire par avance n’est pas valable. Toutefois, l’indemnité n’est pas due lorsque le bailleur justifie notamment : – ou de travaux de construction, de surélévation, voire de destruction sur l’immeuble. Si les modalités de fixation de l’indemnité d’éviction ne sont pas prévues, c’est le juge qui fixe son montant. |
Fin du contrat
Contenu du contrat | Commentaire |
Résiliation par le locataire | Le locataire peut résilier son bail tous les 3 ans.
La loi Pinel a interdit au bailleur de retirer ce droit à son locataire, sauf dans les 4 cas suivants : Le locataire peut résilier son bail à tout moment (avec un préavis de 6 mois) s’il fait valoir ses droits à la retraite. |
Résiliation par le bailleur | Négociable
Le principe est que le bailleur n’a pas le droit de résilier un bail avant sa date d’expiration. Cependant, dans certains cas bien précis, il peut résilier le contrat à chaque échéance triennale, en cas de construction, reconstruction, surélévation de l’immeuble existant loué, ou en cas d’exécution de travaux prescrits dans le cadre d’une opération de construction immobilière, ou encore d’une opération de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain. |
Résiliation amiable | Négociable
Les règles de résiliation du contrat de bail ne sont pas obligatoires, il est toujours possible pour les parties de rompre le contrat d’un commun accord, même avant les échéances prévues au contrat. |
Clause résolutoire | Négociable
Lorsqu’elle existe, cette clause permet aux parties de rompre leur contrat lorsque l’une d’entre elles ne respecte pas ses engagements (paiement du loyer, réalisation de travaux, exploitation…). Elle est valable uniquement si certaines conditions de forme sont remplies (commandement resté sans réponse pendant un mois). A noter : la clause résiliant de plein droit le bail en cas de redressement ou de liquidation judicaire de l’entreprise exploitant le fonds de commerce est nulle. |
Clause de non rétablissement | Négociable
Elle vise à interdire au locataire d’exercer la même activité dans un certain rayon géographique et pendant une durée limitée à la fin du bail. |
Cession du bail
Contenu du contrat | Commentaire |
Cession du bail avec le fonds de commerce | Le bailleur n’a pas le droit d’interdire la cession du bail à l’acquéreur du fonds de commerce exploité. La loi Pinel a réaffirmé ce principe. Il lui est possible en revanche de restreindre ce droit, par exemple en prévoyant une clause d’agrément, c’est-à-dire en demandant à être associé à la signature de la cession pour agréer le repreneur du fonds de commerce.Il ne peut en aucun cas refuser la cession sans motif légitime et justifié. Dans le cas contraire, le locataire cédant peut demander réparation en justice. |
Cession du bail sans le fonds de commerce | Négociable
Une clause peut prévoir l’interdiction de céder le bail seul (clause fréquente). Toutefois, cette cession est de droit dans certains cas, comme pour le locataire commerçant ou artisan qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite. |
Clause de garantie solidaire | Négociable
Cette clause permet au bailleur de se tourner vers les précédents exploitants du fonds de commerce en cas de non-paiement du loyer et/ou des charges par le locataire actuel. Les locataires successifs restent solidaires en cas de cession du bail. Cette clause est fréquente. En pratique, il est indispensable de préciser des limites à la garantie (délais, nature des sommes garanties). |
Restructuration de l’entreprise du locataire | En cas de fusion, scission de la société locataire, ou apport du fonds de commerce exploité à une société, la loi Pinel prévoit que le bail des locaux qui est au nom du locataire, est automatiquement transmis à la nouvelle structure, même si une clause du bail s’y oppose. |
Sous-location
Négociable
La sous-location est interdite si une clause ne l’y autorise pas expressément. L’accord du bailleur est toujours requis.
Mise en vente des locaux loués
La loi Pinel a instauré, au bénéficie du locataire, un droit de préférence sur les autres acheteurs potentiels, lorsque le bailleur met ses locaux en vente.
A noter : des diagnostics imposés par la loi, à la signature du bail, doivent être effectués et joints au contrat.
source L’Agence France Entrepreneur