La Cour de Cassation donne raison à Free sur la subvention des téléphones portables
L’opérateur avait engagé un bras de fer en 2012 avec SFR à propos du paiement étalé du prix des appareils proposé dans le cadre de ses forfaits « Carré ».
Free a remporté son combat contre SFR. Six ans après avoir été saisie par l’opérateur de Xavier Niel, la Cour de cassation a rendu mercredi un arrêt lui donnant raison sur la subvention des téléphones mobiles.
Dans cet arrêt du 7 mars, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a estimé que le paiement étalé des téléphones portables, proposé par tous les opérateurs télécoms (sauf Free) en échange d’une période d’engagement plus longue, est une facilité de paiement « déguisée » et donc… une forme de crédit à la consommation. Sans être illégales, ces offres doivent malgré tout obéir au code de la consommation, a prévenu la Cour.
« Le principe de la subvention n’est pas remis en cause en soi. Ce n’est pas le grand soir, mais c’est tout de même un pas appréciable envers la transparence » estime Antoine Autier, de l’association UFC-Que Choisir. L’organisation milite depuis longtemps contre ces offres couplées qui, selon elle, « enferment » les clients dans un contrat pendant une longue période. « Les consommateurs pensent souvent faire une bonne affaire, mais selon nos études, il y a un surcoût, qui fait qu’in fine ils peuvent payer leur téléphone 50 % plus cher », selon l’organisation de défense des consommateurs.
Les opérateurs rappellent, de leur côté, que leurs abonnés peuvent à tout moment faire évoluer leur contrat. Et que ces subventions permettent d’atteindre, à l’échelle d’un pays, un taux d’équipement mobile élevé. En France, les contrats mobiles avec téléphone subventionné représentent encore plus de 33 % du volume, selon l’Arcep, contre plus de 83 % en 2012, lorsque Free a déboulé sur le marché, avec son modèle « SIM-only » (sans appareil) et ses offres à prix cassés.
Offre « Carré »
Free a fait les calculs et selon la société, certains forfaits mobiles souscrits par des millions de Français auprès des autres opérateurs pourraient dorénavant être caducs. Potentiellement, Free estime pouvoir toucher « un marché supplémentaire de 17 millions d’abonnés engagés dans ce type de forfaits. » « C’est une partie du marché qui nous échappait intégralement, et là, elle a été brutalement ouverte », se réjouit-on chez Free.
En réalité, cela ne serait pas aussi simple que cela. Les opérateurs vont en effet devoir examiner, au cas par cas, la conformité de leurs offres avec l’arrêt de la Cour. En privé, Bouygues, Orange et SFR minimisent tous les trois la portée du jugement. « Nous l’étudions attentivement pour évaluer les impacts éventuels », dit-on notamment chez Bouygues Telecom.
À ce stade, l’arrêt est surtout un caillou de plus dans les chaussures de Patrick Drahi, qui doit présenter, la semaine prochaine, les résultats annuels de SFR, qui traverse une période de turbulences.
L’opérateur est au centre de l’affaire : entre juin 2011 et septembre 2012, SFR avait commercialisé ses offres « Carré » permettant d’acquérir un téléphone portable, soit à un prix « de référence », soit à un tarif « attractif ». Dans ce dernier cas, le forfait mobile était plus cher pendant 12 ou 24 mois, après quoi l’abonnement repassait au prix de base.
À l’époque, Free, qui venait de débouler sur le marché, avait saisi la justice, estimant que cette dernière formule s’apparentait à une opération de crédit et constituait une pratique commerciale trompeuse vis-à-vis des consommateurs. « On a ciblé SFR car il s’agissait d’une offre particulièrement caricaturale, mais on aurait pu s’attaquer à n’importe qui d’autre » explique Free.
En première instance puis en appel, les juges avaient d’abord donné raison, sur le fond, à SFR. La Cour de cassation, qui se prononce sur la forme, s’est rangée, elle, du côté de Free. L’affaire est en tout cas loin d’être terminée et va repartir en Cour d’Appel de renvoi.