Auto-entrepreneur et seuils de CA: ce qui a été voté dans la loi Sapin 2
Le projet de loi Sapin prévoyait pour les autoentrepreneurs, un doublement temporaire possible de leur chiffre d’affaires. Finalement, les députés ont voté pour une micro-réforme, et non pour le grand chamboulement.
Résumons. Emmanuel Macron voyait grand. Le ministre de l’Économie avait dans l’idée de tripler les plafonds de chiffre d’affaires pour les autoentrepreneurs. Michel Sapin, qui a repris dans son propre projet de loi, certains thèmes du feu-projet de loi Noé porté par son collègue de Bercy, a dit non : ce sera doublement des seuils seulement, et sur une période de deux ans, pas plus. Comme un « sas » transitoire, avant le passage au régime réel. Au final, les députés qui ont examiné le texte ont abandonné la mesure, dès la commission des finances. Seules quelques « réformettes » subsistent autour du statut de l’autoentrepreneur.
Les seuils de base resteront ce qu’ils sont (82 200 euros pour les activités de vente de biens et 32 900 euros pour les activités de service), avec toujours la même tolérance en cas de dépassement : respectivement 90 300 euros et 34 900 euros (sachant que l’administration applique toujours le « prorata temporis »).
« Effet guillotine »
« La bascule vers le régime réel continuera à s’appliquer avec un effet guillotine », regrette François Hurel, président de l’Union des autoentrepreneurs. Pour autant, il n’était pas favorable à la mesure, telle qu’elle était conçue. « La hausse des seuils n’avait pas été pensée jusqu’au bout, explique-t-il. On pouvait continuer à bénéficier des régimes micro-fiscal et micro-social pendant deux ans, mais sans la franchise de TVA (la France étant contrainte, en la matière, par un plafond européen, ndlr). Or, l’intérêt du régime de l’autoentrepreneur, c’est que c’est un tout. »
Lui, militait par ailleurs pour un lissage sur deux ans, avec doublement permis en année 2, et moitié du doublement en année 3. « Une façon de ne pas laisser l’impression aux autoentrepreneurs qu’ils sont dans un autre monde, mais plutôt que, si on les aide au début, le but est de les faire grandir », estime-t-il.
« Tout ce que cela pouvait apporter, c’est l’augmentation de la fraude »
Du côté de la Fédération des autoentrepreneurs, on se réjouit également de l’abandon de la mesure. « Elle n’aidait en rien les entreprises à se développer, estime ainsi Grégoire Leclercq, son représentant. La troisième année, on était de toute façon obligés de revenir en-dessous du seuil de base, pour ne pas basculer dans le régime réel. Tout ce que cela pouvait apporter, c’est l’augmentation de la fraude. Avec des gens qui auraient encore plus facturé au noir pour rester sous les plafonds. »
Le président de la FAE est cependant favorable à une modification des plafonds. Il fixerait le montant idéal à 50 000 euros « pour tous ». Avec franchise en base de TVA, ce qui, là encore, nécessiterait une négociation avec Bruxelles. « Entre 30 000 et 45 000 euros, vous gagnez trop pour être autoentrepreneur, mais pas assez pour vous en sortir convenablement au régime réel, constate-t-il. Résultat, aujourd’hui, beaucoup de gens se mettent en autoentrepreneurs pour facturer leur activité jusqu’aux seuils, et pour le reste, font du black ».
Des petites avancées
Sont restés dans le texte adopté en première lecture par les députés le 13 juin le fait d’ouvrir le régime micro aux EURL respectant les plafonds de chiffre d’affaires de la micro-entreprise. Et le fait que les entrepreneurs ayant choisi un régime réel d’imposition pourront décider chaque année de rester sur cette option ou de revenir au forfait micro. Actuellement, l’option « réel » peut être réactivée ou désactivée tous les deux ans seulement.
Le stage préalable à l’installation pour les autoentrepreneurs exerçant à titre principal une activité artisanale pourra s’effectuer après l’immatriculation. « C’est une bonne avancée, estime François Hurel, mais je vais essayer de convaincre les sénateurs de repousser carrément ce stage au moment du franchissement des seuils et de la bascule au réel. C’est là qu’un chef d’entreprise a besoin d’apprendre des choses sur le droit des sociétés ou le droit du travail. Avant, cela ne lui sert pas à grand-chose. »
Le projet de loi prévoit aussi que les personnes ayant bénéficié d’un accompagnement à la création d’entreprise d’au moins trente heures par un réseau d’aide à la création d’entreprise pourront être dispensées de stage.
Enfin, les autoentrepreneurs auront un an, à partir de la création de leur activité, pour se mettre en conformité avec l’obligation de double compte bancaire.
Sources Marianne REY de l’Express